Chaque jour, depuis un an, cet homme s’assoit sur moi. Il est réglé comme une horloge, il vient tous les jours à la même heure. Quand vient la nuit, il se lève et repart. Il est toujours seul. Il promène autour de lui son regard vide. Les yeux dans le vague. Si je pouvais avoir des sentiments, je serais triste pour lui. Cette solitude doit lui peser.

Il est 13h00, il devrait arriver d’un instant à l’autre… Et le voilà avec son long manteau crème à la Columbo. Il est recroquevillé sur lui-même, encore plus que d’habitude. Il s’arrête à ma hauteur et s’assoit sur moi. Il aurait pu rester seul comme tous les jours. L’Homme fuit la solitude et les gens tristes, les pigeons n’en ressentent pas le besoin.

L’un d’entre eux a élu son domicile sur moi. Il ressemble à ces blessés de guerre. Il n’a qu’une patte, il voltige, volette… et se pose sur moi à l’opposé du Monsieur. Le pigeon est noir et blanc, des couleurs assez particulières pour un pigeon. Il attire l’attention d’une fillette qui jusque là, faisait des tours sur sa petite bicyclette. Elle s’approche un peu maladroitement. Le pigeon sautille s’éloigne. Son sourire s’évanoui.

– « Ne pars pas », bredouille-t-elle.

Elle retourne à sa bicyclette déçue. Elle vient depuis quelques semaines, faire de la bicyclette dans le parc toujours accompagnée d’une femme entre deux âges, sa nourrice sans doute.

Le soleil fait maintenant qu’un avec l’horizon et l’homme repart. Demain il reviendra et je serais là.

C’est un autre jour qui commence. Le soleil se lève, les oiseaux chantent l’arrivée d’un nouveau jour, de nouvelles aventures. Une fois haut dans le ciel, il sonne l’arrivée du monsieur, il ne se fait pas attendre. Il reste seul à contempler l’horizon. La petite fille pédale sur sa bicyclette, le vent lui caresse le visage et elle sourit. Son regard est attiré comme un aimant vers moi à la recherche de ce pigeon qui l’avait fuit. Il est là. Elle sourit et s’approche plus doucement cette fois. Je sens le monsieur chercher quelque chose dans son manteau crème. Il le tend à la petite fille et regarde le pigeon. C’est un sac de mie de pain, elle plonge sa main dedans et en prend une petite poignée qu’elle tend au pigeon. Il ne bouge pas. Elle fait un pas. Elle s’arrête, reprend sa progression. Le pigeon ne la quitte plus des yeux. Elle pose de sa petite main tremblante la mie sur moi, et recule d’un pas. Le pigeon avance et picore. Ce manège dure le temps de vider le petit sac. L’homme semble plus léger sur moi et en même temps moins vide. La petite sourit.

 

4 commentaires sur « Un témoin silencieux »

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